Montréal Underground Origins Blog

Ninth Floor: En revisitant l’Affaire Sir George Williams, Montréal 1969

25.01.2016

Nancy Marrelli, Directrice des archives à Concordia de longue-date et co-propriétaire du Véhicule Press de Montréal, était diplômée de l’Université Sir George Williams travaillant à l’Université pendant la crise.

LR: Ai-je tord de présumer que ceci [POINTE LE JOURNAL ÉTUDIANT “THE PAPER”] était un journal étudiant un peu plus conservateur…
NM: (rires) Ça c’est l’euphémisme de l’année !! (rires) Le journal était—très—très, très conservateur !
LR: Avez-vous pris part dans l’occupation ?
NM: Non, je n’y ai pas pris part. Mais le gars avec qui je vivais à l’époque était dans la salle informatique et l’a quitté juste avant que les choses explosent, accidentellement.
LR: Étiez-vous soulagée qu’il n’y était pas ?
NM: Je pense que c’est affreux qu’ils aient fait venir la police… C’est complètement, complètement pas clair—encore aujourd’hui, je pense—si l’incendie avait commencé avant ou après que fut appelée la police. Je pense que personne ne le sait vraiment, même ceux qui s’y trouvaient. Ça n’aurait jamais dû arriver—toute cette affaire—jamais dû arriver ! Les procédures au sein de l’université étaient complètement inappropriées et incapables de gérer les choses correctement, et les choses ont juste échappé à tout contrôle parce qu’il n’y avait pas de bonne manière de porter les décisions en appel. Mais il ne fait aucun doute que l’incident a changé la manière dont on s’occupait des choses à l’interne à l’Université Sir George Williams. Ça a changé [les politiques encadrant] l’accès aux documents, ça a changé toutes sortes de choses pour le mieux.
LR: Je pense que c’est dommage que ça s’est terminé si dramatiquement, et peut-être que nous ne saurons jamais si les changements auraient été si profonds et implémentés aussi vite si ça ne s’était pas terminé aussi dramatiquement.
NM: Absolument pas. Honnêtement, je ne pense pas qu’il y avait réellement une chance que ça finisse paisiblement une fois que ça avait commencé.

Ann Diamond est une auteure montréalaise de longue-date qui, tout comme Anne McLean, était éditrice de nouvelles au journal étudiant The Georgian, de 1968 jusqu’au début des années 1970.

AD: Je suis arrivée en tant qu’étudiante de Bacc. en septembre 1968, et j’ai rejoint l’équipe du Georgian peu après. J’étais présente sur le campus durant les événements menant à l’occupation, et son contrecoup, mais comme jeune fille de 17 ans, je n’en étais d’aucune manière actrice.
LR: Vous êtes répertoriée comme Éditrice de nouvelles dans les numéros couvrant la crise.
AD: Victor Lehotay prit le contrôle au fond de l’édition du Georgian durant la crise. Il était plus vieux que le reste d’entre nous – possiblement mi à fin vingtaine, ou du moins il avait l’air plus vieux. Il pondit une série d’articles critiquant l’administration. Je pense que (l’Éditeur en chef) Dave Bowman s’est souvent senti inconfortable – mais je me souviens de son éditorial, qui établit la position du Georgian en soutien aux étudiants noirs et à l’occupation.
Cela a commencé la montée vers la confrontation – et comme je l’ai mentionné plus tôt, j’étais un néophyte qui faisait principalement juste observer les événements pendant qu’ils se déroulaient. Je pense que nous nous sentions tous pris dans quelque chose qui était à la fois excitant, et hors de notre contrôle. Les bureaux du Georgian à l’époque étaient un vrai hub, avec des gens qui venaient et partaient – toutes sortes de personnes, incluant Mark Medicoff. Lehotay entrait, s’enfermait dans le bureau de Bowman, et pondait un autre éditorial (ou diatribe). Je pense que David Bowman était injustement pilloried – il était, selon moi, un bon et honnête gars – mais a perdu le contrôle d’une situation qui était incontrôlable.
Un autre gars qui vocalisait des opinions radicales dans ce temps-là était Murray Smith, qui avait l’habitude de sermonner les étudiants avec un microphone sur la mezzanine. Il n’a jamais rien écrit dont je me souviens. Il est malheureusement maintenant sans-abri et traîne autour du métro Guy.
Généralement, il y avait tout simplement le sentiment que ce mouvement collectif avait une direction claire, comme nous le pensions à l’époque – il y avait les chefs de manifestation, des personnes qui faisaient bouger les choses, des gens qui avaient toute l’attention –et il y avait l’opposition qui éventuellement repris le contrôle. La plupart des gens étaient observateurs, emportés par le courant, et apprenant des leçons quotidiennes à propos de la politique et des comportements politiques.
Mon attitude actuelle est : les événements comme la crise de la salle informatique sont souvent manipulés, de diverses manières, par différents groupes et musiciens. D’autre part, nous nous sentions tous sincèrement concernés par le racisme et nous souhaitions que les étudiants reçoivent un jugement équitable. C’était difficile, selon moi, de distinguer entre le vrai racisme et les émotions complexes et la politique cachée, qui a conduit à la polarisation d’un côté et de l’autre. Est-ce que quelqu’un a vraiment crié « Laissez brûler les nègres ? » Je ne sais pas, comme je ne l’ai pas entendu — mais c’est très possible que quelqu’un l’ait fait, et d’autres se sont joints à lui. Dans la rue ce jour-là, je ne me rappelle plus de ce que les gens chantaient, possiblement des slogans comme « Le monde entier est en train de regarder » — il y avait une vraie peur et colère contre les policiers des émeutes.
Il y a quelques années, j’ai rencontré une dame, dont je ne me souviens plus du nom, qui faisait partie des 97 étudiants arrêtés. Elle m’a dit qu’elle avait eu une très mauvaise expérience ce jour-là : la police avait été brutale, l’administration mentait, le feu avait été mis par des provocateurs, et elle sentait qu’il y avait une déception majeure au sujet de la façon dont les étudiants avaient été traités après coup.
Je suis partiellement d’accord, mais c’est arrivé très vite. Et puis alors tout a pris fin, et de grands efforts furent déployés pour tout balayer sous le tapis, particulièrement en ce qui concerne les méfaits de l’administration.
Le reporter du Georgian, Don McKay, fut arrêté et s’est essayé, plusieurs années plus tard, pour méfait. Son avocat de la défense était le célèbre et très respecté Bernard Mergler. Je fus appelé comme témoin, et notre stratégie consistait à ce que je dise qu’en tant qu’Éditeur des nouvelles, j’avais été assignée à Don pour couvrir l’histoire de la salle informatique, raison pour laquelle il avait rejoint l’occupation. Ceci, je dois l’avouer, étirait la vérité — Don s’est joint car il supportait la cause des étudiants noirs. Mon témoignage était totalement étiré par le brillant mais sordide William (?) Shadley qui m’a terrorisé sur la barre des témoins, et a convaincu le juge que je n’étais qu’une victime parmi d’autres des années 1960 (comme la fille même du juge, tel que Mergler m’a expliqué plus tard…). Je pense qu’à la fin, cependant, Don fut acquitté, ou a reçu une sentence suspendue. Cette expérience de salle de tribunal a souligné (encore) le réel niveau de désorganisation du Georgian, en ce que personne n’avait réellement officiellement été assigné à couvrir l’occupation. Il n’y avait pas de stratégie. Tout ce qu’on a fait, selon mon souvenir, fut d’offrir du support éditorial ou moral dans une situation qui s’est transformée en impasse et s’est terminée dans la violence.
En rétrospective, je ne sais pas comment nous aurions dû avoir traité cela, comme étudiants journalistes. Il n’y avait pas de temps pour développer une réelle stratégie, et l’enjeu de la race a rendu cela même plus difficile – les chefs des étudiants noirs n’étaient pas nécessairement prêts à donner des entrevues ou offrir des extraits sonores. Aucun des deux côtés ne parlait ouvertement.

Freda Guttman, artiste et activiste vétéran de Montréal  
 L’artiste Erik Slutsky sur la scène musicale du Montréal des années 60 – 70

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Commentaires

  1. Victor Teboul, Ph.D.
    mercredi, août 2nd, 2017
    Je pense, pour ma part, que l'accusation de racisme est excessive. J'étais étudiant, durant ces années, à l'Université Sir George Williams, et mon professeur de sociologie était un Noir. Il s'appelait Potter, et je lui ai posé la question plusieurs années plus tard, car il habitait, comme moi, à Notre-Dame-de-Grâce. D'après ce qu'il m'a dit, la question de la couleur de sa peau n'était jamais un sujet qui le préoccupait et le fait qu'il était Noir n'avait pas fait l'objet de quelque discrimination que ce soit lors de son embauche.

    Il aurait été utile dans la recherche de la vérité d'interroger aussi des gens qui ont vécu autre chose que du racisme à SGWU.

    Victor Teboul, Ph.D., écrivain, directeur du magazine Tolerance.ca
    www.victorteboul.com
    www.tolerance.ca