Montréal Underground Origins Blog

Les débuts de la presse alternative à Montréal, années 1970

24.04.2015

LR : On ne voudrait pas s’éterniser, mais nous avons encore 10 minutes environ, je voudrais voir s’il y avait des questions ?

Will Straw : Ça serait plus pertinent pour Simon et Nancy. Ces jours-ci, on ne pourrait rien faire sans une subvention. Y avait-il quelque chose dans la façon dont l’argent du gouvernement circulait à l’époque ?

SD : Comme je l’ai mentionné plus tôt, quels que soient les acronymes qui fournissaient une sorte de financement, de quelconques manières, nous l’avons utilisé. Nous louions l’e local à un coût modeste puisque nous avions tout cet équipement. Nous avions tout de même besoin de nous nourrir, alors on était sur l’assurance-chômage quand il fallait. Il y avait un projet appelé le CYC, la Compagnie des jeunes Canadiens, qui encore à ce jour, je n’en comprends pas grand-chose, sauf que vous pouviez obtenir une sorte de « subvention », question de nous garder en vie. Il y avait LIP, un programme de subventions pour des projets d’initiative locale. Nous allions de subvention en subvention, puis sur le chômage et l’on arrondissait avec les contrats d’impression.

Will Straw : C’est intéressant parce que nous savons qu’avant qu’il reçoive du financement pour les arts, le mouvement des centres d’artistes autogérés obtenait ces subventions pour « jeunes » ainsi que de l’assurance-chômage pour se développer. C’est un côté inexploré de son histoire.

NM : C’est sûr. Tous ces programmes étaient des subventions majeures. Beaucoup de gens travaillaient également dans les bibliothèques de l’Université Concordia – la bibliothèque Sir George était pleine d’écrivains, d’artistes et de danseurs.

SD : Et d’insoumis ( draft dodgers ).

NM : Beaucoup de gens qui étaient impliqués dans les mouvements politiques de toutes sortes, et bien sûr, les gens ont pris les emplois qui leur permettaient de se nourrir pour qu’ils puissent faire les autres choses qui les intéressaient. J’ai abouti dans les bibliothèques de Concordia, puis dans les archives – il faut manger.

SD : Puis à nouveau, au milieu des années 70, l’économie allait assez bien et les gens n’ont pas hésité à quitter leur emploi et en disant : « Je vais faire du stop à Vancouver » ou peu importe. Comme l’a mentionné Nancy, à Sir George Williams (aujourd’hui Concordia) vous aviez un grand nombre d’insoumis et les gens qui étaient venus à Montréal pour trouver un emploi, c’était un bon emploi.

Je dois aussi dire qu’il y avait une prolifération de presses littéraires au Canada dans les années 70. Si vous pensez à nous ou à Turnstone Press à Winnipeg …

NM : Mais ce n’était pas seulement littéraire – c’était la danse, le théâtre, la musique et c’était partout. Je ne pourrais pas trop insister sur le désir, la volonté de vraiment intégrer les arts dans un niveau beaucoup plus fondamental que nous l’avions vu auparavant – et que nous avons vu depuis.

LR : Est-ce que l’un de vous pourrait dire que la génération des baby-boomers qui a créé une des plus grandes générations de jeunes –

NM : De jeunes gens instruits.

LR : De jeunes gens instruits ont quelque chose à voir avec cette floraison, ce désir d’être aussi impliqué ?

SD : Oui, et pour des raisons évidentes, le mot, le mot écrit, était très important à cause de ça. Les imprimeurs canadiens qui ont été des pionniers de presses modernes comme Coach House Press, Talonbooks sur la côte ouest ont commencé dans les années 60, mais il y avait très peu de presses. C’est vraiment dans les années 70 que l’on trouvait des maisons d’édition d’un océan à l’autre.

LR : Et pour le coût de la vie, vous avez mentionné un peu plus tôt le fait que vous étiez en mesure d’obtenir un appartement pour 100 $ par mois, un local commercial pour 175 $ et ainsi de suite. Bien entendu, les salaires étaient bas, mais de ce que j’ai compris, c’était beaucoup plus facile de s’en sortir sans avoir à passer la moitié de votre revenu dans votre loyer. Vous avez peut-être même été en mesure de payer votre loyer après seulement quelques jours de travail, qui sait.

SD : Par contre, je pense que chaque génération dit ça (rires). Nous payions 42 $ pour notre appartement sur la rue Clark, puis j’ai loué le premier étage, là où j’avais mon atelier de peinture. Donc au total, c’était 82 $ par mois…

LR : Mais ça l’a permis aux gens de créer tout se qu’ils créaient et de s’impliquer comme ils le faisaient…

AKE : En fait, nous n’étions pas terriblement préoccupés par les finances. Maintenant, était-ce une fonction d’être jeune… Mais nous avions l’habitude de tout fermer en août pour aller dans le Vermont (rires).

SD : C’était un style de vie (rires).

AKE : Oui, en effet.

Q : Était-ce prohibitif techniquement et financièrement de publier des romans, les gros livres, à la fin des années 60 ou était-ce possible ?

SD : Peut-être parce que j’étais un poète manqué moi-même, mais nous étions surtout intéressés par la poésie et parce qu’on venait d’une galerie d’art, nous avons fait beaucoup de livres d’artistes aussi. Mais nous n’étions pas intéressés par les romans. Est-ce que les gens écrivaient des romans ? Je suppose que oui, je ne suis tout simplement pas au courant.

NM : Je suppose qu’ils allaient aux grandes maisons d’édition. C’était le même problème avec les galeries d’art – les galeries d’art grand public montaient des expositions traditionnelles et c’est pourquoi les galeries indépendantes se sont formées. Il aurait été très coûteux pour une petite maison d’édition de produire une telle chose et les chances de réussite auraient été tellement basses que les dépenses auraient pu faire sauter toute l’opération.

SD : Nous avons imprimé notre premier gros livre en 1980 seulement et nous avons commencé en 1973. On commençait alors à faire de la critique littéraire. Je crois qu’on voyait peut-être la poésie comme pas très populaire et c’est une des raisons pour laquelle c’était attirant pour nous. Nous n’avons, bien sûr, pas fait d’argent.

ND : Ce n’était jamais à propos de l’argent.

LR : Je suis persuadé que la poésie n’est pas plus populaire aujourd’hui…

SD : Non, elle ne l’est pas.

METROPOLIS BLEU : MONTRÉAL dans l’IMAGINAIRE, 1975 / 2015  
 Metropolis Bleu : Montreal 1975 / 2015

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