Montréal Underground Origins Blog

Endre Farkas, Montréalais et Poète de Véhicule

25.11.2015
Endre Farkas at Véhicule Gallery, mid-1970s.

Endre Farkas à la galerie Véhicule, milieu des années 1970.

Endre Farkas est arrivé à Montréal lorsqu’il était enfant, après que lui et ses parents (des survivants de l’Holocauste) se soient échapés au cours de la révolte hongroise de 1956. Il est une figure bien connue et hautement respectée de la scène littéraire montréalaise, attirant l’attention de la ville comme l’un des poètes de Véhicule —le groupe de poètes qui tenaient régulièrement des séances de lecture de poésie au centre d’artiste Véhicule Art au milieu des années 1970. Il a aussi enseigné la littérature au Collège John Abbott depuis les années 1970 et est resté très actif en écriture, en performance, en édition et en publication de poésie et d’œuvres littéraires dans la ville et ailleurs.

Parmi les 11 livres de poésie et de pièces de théâtre qu’il a lui-même publiés, les titres ont été traduits en français, espagnol, italien, slovène et turque. Il a édité plus récemment (avec Carolyn Marie Souaid) Language Matters: Interviews with 22 Quebec Poets. Il a été lu et a performé largement à l’international, et a innové des pièces interdisciplinaires avec des musiciens, acteurs, danseurs et autres poètes en direct et à la radio à travers le Canada et l’Europe. Son videopoème Blood is Blood, co-écrit/produit avec Carolyn Marie Souaid, a remporté le premier prix au Festival international de poésie et de cinéma de Berlin en 2012. Son roman Never, Again sera publié en 2016, et il travaille actuellement à la conversion de l’une de ses premières œuvres, Murders in the Welcome Café, en une pièce de théâtre-video.

Après avoir participé à notre table ronde au Festival Metropolis Bleu au printemps 2015, nous nous sommes rencontrés à l’été pour parler de ses années d’école et du développement de sa carrière littéraire dans le Montréal des années 1970.

Tout comme plusieurs des personnes interviewées pour ce projet, Endre s’était connecté à la scène « underground » à Montréal lorsqu’il était étudiant dans les années 1960, profitant de concerts de groupes musicaux tel que The Fugs et Sidetrack au New Penelope Café tout en étant occupé à prendre part à l’occupation ayant mené à l’infâme Affaire Sir George à l’Université Sir George Williams (aujourd’hui l’Université Concordia).

Il a grandi dans le secteur « St-Urbain » (avant qu’il soit communément appelé le Plateau ou le Mile End), sur l’avenue du Parc, sur le côté Ouest entre Fairmount et St-Viateur. Avec deux parents qui travaillaient, il était de ce qu’on appelait alors les « enfants à clé », allant à l’école avec une copie de la clé de la maison parce qu’il arrivait à la maison habituellement avant ses parents qui travaillaient. Il est allé à l’École secondaire Baron Byng (où se trouve maintenant le Sun Youth charity), où plusieurs des écrivains juifs les plus connus de Montréal, tel que Mordecai Richler, étaient allés. Il se souviens jouant dans les ruelles après les heures d’école pour passer le temps avant le souper, ou au Mont-Royal ou au Fletcher’s Field (aujourd’hui le Parc Jeanne-Mance), mais certainement pas le Parc Outremont (qui est encore quelque peu reservé aux résidents des alentours), ou plus tard allant à une salle de billard sur la rue Clark près de Rachel.

Contrairement à l’époque de l’après-Loi 101, Farkas explique que dans son temps, plusieurs immigrants de sa génération finissaient dans les écoles anglophones plutôt que francophones pour la principale raison que les écoles francophones étaient réservées aux Catholiques, tandis qu’à peu près tout le monde pouvaient s’inscrire (gratuitement) dans une école protestante.

Louis Rastelli a discuté avec lui à l’été 2015.

LR: Une fois entré à l’université, avez-vous commencé à écrire de la poésie et vous-êtes vous senti écrivain avant l’université ou l’êtes-vous devenu avec le temps?

EF: Non, rendu vers la fin du Secondaire, on avait déjà grimpé l’échelle du succès, nous vivions à Chomedey.

LR: C’était l’un des premiers quartiers de banlieue où ont déménagé les Mile-Endois.

EF: Ainsi que Park-Ex, Côte-St-Luc, Hampstead – les vrais riches – les nouveaux riches, en quelque sorte la nouvelle classe moyenne s’est déplacée vers Chomedey. Vous pouviez encore y acheter une maison avec votre salaire. Alors je suis allé au Secondaire à Chomedey et j’étais un sportif, au fond.

LR: Je ne l’aurais pas deviné! Et vous êtes devenu un poète accompli plus tard.

EF: Bien, j’ai toujours aimé le soccer. Mais j’ai connecté – c’était aussi le début des drogues – j’ai connecté avec celui qui était probablement l’enfant le plus intelligent à l’école, Mark, à Chomedey High. Il était brillant; il était aussi un garçon mesurant 5’5’’ avec une barbe et jouant au football. Un enfant juif qui lisait Nietzsche, les Beats et grâce aux sports, on a connecté et je n’étais pas aussi intelligent que lui mais je n’étais pas aussi stupide que les sportifs. Il m’a introduit aux poètes Beat, alors j’ai commencé à les lire un peu mais je n’étais pas certain de comprendre de quoi ça parlait.

Puis vinrent le pot et le hash. J’avais 16, 17 ans. Je l’ai essayé et ai commencé à l’aimer, et l’une des choses qui me sont arrivées était que j’ai commencé à écouter de la musique et que n’ai tué personne. Alors j’ai commencé à lire et il écrivait sa prose décousue un peu à la Kerouac, et on écoutait Dylan et plus tard les Beatles, The Doors et on a commencé un magazine littéraire par nos propres moyens—on a publié environ quatre numéros. Ça s’appelait The Ostrich (tr. : « L’autruche »). Notre recherche a démontré que l’autruche, contrairement à la croyance populaire, ne rentre pas sa tête dans le sol à l’approche du danger. En fait, c’est la créature qui ressent le danger la première.

Quand j’ai terminé le Secondaire, j’ai eu un boulot de rédacteur des nouvelles sportives grâce à mon talent. J’étais leur reporter assigné au soccer ethnique. Plus tard, j’ai utilisé mon laisser-passer pour aller interviewer John Lennon lorsqu’il était ici pour le bed-in. J’étais là, mais j’ai quitté tôt, le soir où ils ont enregistré Give Peace A Chance, alors j’ai manqué ça. J’aurais pu être là-dessus avec ma mauvaise voix.

J’avais une photo de lui qu’il a signé mais je ne peux la retrouver.

From the zine Ostrich, a contribution in part by John Lennon while he was in Montreal for his sit-in.

Extrait du fanzine Ostrich, une contribution de la part de John Lennon lorsqu’il était à Montréal pour son sit-in.

LR: Alors vous aviez déjà commencé à écrire durant vos dernières années de Secondaire et au cours de votre dernière année de Secondaire et grâce au pot et au hash, le gars s’intéressait aux Beats alors j’imagine que l’on ne vous avait pas enseigné les Beats, sous quelque forme que ce soit, à l’école à l’époque…

EF: Oh non. Je ne sais même pas comment Mark a pu mettre la main là-dessus, et sur Nietzsche.

Autour de 1966, lorsque j’ai commencé à l’Université Sir George, dans mon cours d’Introduction à la Littérature Canadienne, considéré comme un cours Mickey Mouse enseigné par Michael Gnarowski, un ami de Louis Dudek, j’ai été introduit à l’œuvre de Leonard Cohen, A.M. Klein, et Irving Layton. Je me suis dit Hey! Ces gars sont de mon quartier! Il semblait possible d’être écrivain à Montréal, surtout si tu étais Juif. (Rires.)

LR: Alors cela est un peu bizarre—certains diraient qu’il y a là un défi à surmonter, mais vous y avez plutôt vu un avantage, comme « hey, il y a ici une niche pour moi. »

EF: Je me suis tout simplement dis Hey, ils écrivent sur le quartier. Klein et Layton tout particulièrement—ce fut une révélation.

LR: Tout particulièrement après avoir été gavé de force de Shakespeare et de poésie victorienne.

EF: Ouais, et les Romantiques et principalement de littérature américaine. À l’époque nous avions beaucoup de professeurs américains à cause de la guerre du Vietnam et des réfractaires, mais leur attitude était telle que le Canada n’avait pas de littérature. Je me souviens de l’un d’eux en train de me demander: Où est ton Hemingway, où est ton Faulkner?

LR: Ma foi. Je sais que le Canada a été dénigré pour son nombrilisme et pour n’écrire que sur lui-même, pour être obsédé par la question de l’identité.

EF: Ça c’est venu plus tard. Ça c’est venu plus tard. La plupart du temps à l’époque cétait encore colonial, l’idée prédominante était: comment le Canada peut-il encore être intéressant si tu dois encore aller aux Etats-Unis pour réussir, ou en Grande-Bretagne. C’est ce qu’a fait Richler et si tu restais ici et écrivais, tu n’était personne. Plus tard, j’ai eu Richler comme professeur, il a enseigné à Concordia. Son enseignement consistait à s’asseoir et à bavarder et à nous sortir pour prendre un verre après.

Ken Norris, Poète de Véhicule  
 Allan Bealy à propos de la revue Davinci, Montréal, 1973-1974

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